Sismicité induite

Nous devons parvenir à des émissions nulles d'ici 2050 afin d'atteindre l'objectif de l'Accord de Paris qui consiste à limiter l'augmentation de la température en dessous de 2,0 °C, et idéalement en dessous de 1,5 °C. Cet objectif ne sera atteint que si plusieurs actions seront entreprises simultanément. Parmi les actions nécessaires, l'Agence Internationale de l'Énergie suggère que le sous-sol peut contribuer de 20 % à la réduction totale des émissions de CO₂. Cette contribution provient principalement des projets de stockage géologique du carbone, mais aussi de production d'énergie géothermique et de stockage souterrain d'énergies. Cette dernière application est particulièrement importante. En effet, les énergies renouvelables produisent de l'énergie de manière discontinue, il sera donc nécessaire de stocker l'énergie pendant les périodes d’excès de production et d’utiliser l'énergie stockée lorsque la demande dépasse la production. Les batteries n'ayant pas une capacité suffisante, les stockages de l'énergie sous forme d'hydrogène, d'énergie par air comprimé (CAES) et d'énergie thermique des aquifères (ATES), joueront un rôle majeur dans le futur.

Induced seismicityL'inconvénient des géo-énergies est essentiellement lié à l’extraction et à l’injection des fluides dans le sous-sol. Ces processus modifient la pression des pores, la température, l'état de contraintes et la composition géochimique des formations géologiques, et peuvent donc induire des séismes dans des fractures et/ou failles instables. Les principales applications géo-énergétiques susceptibles d'induire une sismicité qui pourrait déclencher des dommages pour l'environnement, la faune ou la flore, et qui bénéficieront donc des avancées de ce projet sont décrites par la suite:

L'énergie géothermique

Il s'agit d'une source d'énergie renouvelable qui fournit de l'énergie sans fluctuations quotidiennes et saisonnières ; disponible potentiellement dans le monde entier. L'énergie géothermique est produite généralement par injection et extraction d'eau dans une formation géologique, créant ainsi une boucle fermée dans laquelle l'eau pompée est réinjectée. Ce système fermé ne permet pas la fuite de fluides et limite les dommages sur l'environnement. Le fluide employé est généralement de l'eau avec une forte concentration d'ions dissous, car la température élevée de la formation géologique favorise la dissolution des minéraux. Cette forte concentration d'ions dissous peut entraîner des précipitations des minéraux lorsque la pression et la température chutent dans les puits de pompage proches de la surface, provoquant l'entartrage des puits (par exemple, Wanner et al., 2017). Ce problème met en évidence l'importance de la composition géochimique de l'eau de circulation en termes de fonctionnement et suggère qu'il est souhaitable de mettre en place des mesures qui empêchent le fluide en circulation d'atteindre la surface en cas de fuite le long des conduits. Comme alternative à l'eau, il a été suggéré d'utiliser le dioxyde de carbone (CO₂) comme fluide de circulation pour l'énergie géothermique (Brown, 2000 ; Randolph et Saar, 2011). Dans ce cas, le CO₂ pompé est également réinjecté dans le sous-sol, ce qui prévient tous dangers possibles. En cas de fuite de CO₂, les concentrations atteintes dans l'atmosphère ne dépasseront pas les niveaux habituels. Les seules situations à risques pourraient se produire en cas d’accumulation de CO₂ dans des dépressions ou des sous-sols de bâtiments. Les hautes concentrations atteintes pourraient être cause d’asphyxie, rendant nécessaire l’installation de détecteurs de CO₂ en surface.

Le stockage géologique du carbone

L'objectif de cette application est de stocker de manière permanente de grandes quantités de CO₂ dans des formations géologiques profondes. Toutefois, il existe un risque de fuite d'une petite partie du CO₂ injecté le long des puits et des failles ou à travers les roches de couverture. Les fuites de CO₂ le long des puits peuvent être détectées en surveillant régulièrement la concentration de CO₂ à la tête du puits. Un tel événement s'est produit dans un puits du projet pilote de stockage de CO₂ d'In Salah, en Algérie, et la fuite a été immédiatement colmatée (Ringrose et al., 2009). D'autre part, une fuite de CO₂ à travers les roches de couverture ou à travers des failles peut entraîner une fuite diffuse, plus difficile à détecter et à remédier. Par ailleurs, le CO₂ n'a pas nécessairement besoin d'atteindre la surface pour nuire à l'environnement. En effet, si le CO₂ atteint des aquifères d'eau douce, il pourrait polluer les ressources en eau potable en acidifiant l'eau et en précipitant des métaux lourds (Wang et Jaffe, 2004). En tous cas, le CO₂ ne pénètre pas dans les roches de couverture en raison de leur pression d'entrée élevée. Ainsi, la probabilité de fuite de CO₂ à travers les roches de couverture est très faible, particulièrement si elles sont épaisses, et si elles sont situées dans des bassins sédimentaires multicouches (Birkholzer et al., 2009). Dans le passé, les scientifiques craignaient que la sismicité induite puisse améliorer la perméabilité des failles, entraînant des fuites de CO₂ (Zoback et Gorelick, 2012a, 2012b, 2015 ; Juanes et al., 2012 ; Vilarrasa et Carrera, 2015a, 2015b). Il est démontré que les roches sédimentaires dans lesquelles l’injection de CO₂ est prévue, au contraire des roches cristallines, ne sont pas soumises à des contraintes critiques (Vilarrasa et Carrera, 2015). Les séismes induits se produisent ainsi principalement dans les roches cristallines situé en dessous des formations sédimentaires, de sorte que les incréments de perméabilité des failles se produisent en dessous de la formation de stockage, et non au-dessus (Verdon, 2014). En outre, les failles de bassins sédimentaires sont très hétérogènes, car elles traversent de multiples séquences auqifères - roches de couverture : le flux ascendant de CO₂ serait donc arrêté par ce type de structure géologique (Rinaldi et al., 2014). Cependant, la surveillance et l'interprétation des données mesurées devraient être effectuées pour la détection rapide des fuites de CO₂ et l’engagement de mesures d'atténuation (Zeidouni et Pooladi-Darvish, 2012).

Stockage d'énergie par air comprimé (CAES)

Cette application géo-énergétique consiste à injecter de l'air à haute pression dans un aquifère lors d’un excès de production d'énergie à partir de ressources renouvelables, et à pomper et distribuer de l'énergie lorsque la demande est supérieure à la production. Comme le fluide injecté est de l'air, cette application ne présente aucun danger particulier pour l'environnement. Par contre, l'eau des aquifères dans lesquels de l'air est injecté ne devrait pas être utilisée pour l’arrosage ou l’irrigation agricole. En effet, l'oxygène de l'air injecté pourrait modifier la géochimie de l'aquifère.

Stockage du gaz naturel

Le stockage du gaz naturel est effectué communément pour des raisons stratégiques afin d'assurer l'approvisionnement en gaz en période de forte demande. Le gaz est injecté et stocke lors de période de faible demande énergétique, essentiellement en été. Il est ainsi prêt à répondre à l’augmentation de la demande en hiver. Le risque d’induire de la séismicité est faible ; les 640 projets dans le monde n’ont pas induit de séismicité ressentie, sauf quelques exceptions (p.e. le cas Castor). Ces projets nécessitent aussi une attention particulière à la surveillance de toutes fuites, le méthane étant un gaz inflammable.

Comme la sismicité induite est généralement associée à la fracturation hydraulique, nous consacrons quelques lignes à l'explication de cette technique:

Les techniques de fracturation hydraulique

La fracturation hydraulique consiste à injecter un fluide à une pression telle que la contrainte effective mineure est égale à la résistance de traction de la roche, générant une fracture en traction perpendiculaire à la direction de la contrainte effective mineure. Ainsi, la fracturation hydraulique est réalisée pour améliorer la perméabilité des roches et peut être utilisée pour la stimulation des puits dans le domaine de l'énergie géothermique, même si son application la plus connue est l'exploitation du gaz de schiste. Le fluide injecté est généralement de l'eau, mais il a également été proposé d'utiliser du CO₂ (Middleton et al., 2015). Dans l'extraction du gaz de schiste, des additifs sont généralement ajoutés à l'eau, ce qui peut être nocif pour l'environnement. En outre, le reflux qui se produit après les opérations de fracturation hydraulique devient radioactif après avoir été en contact avec les radionucléides présents dans le schiste. Ainsi, les reflux des opérations de fracturation hydraulique doivent être géré avec une extrême prudence. En ce qui concerne la sismicité induite, la fracturation hydraulique génère des microséismes de si faible magnitude qu'ils ne peuvent pas être ressentis à la surface du sol. Dans de rares cas, la fracture hydraulique intercepte une faille active et, en la pressurisant, provoque un tremblement de terre de plus haute magnitude. Même si la sismicité ressentie n'est pas directement induite par la fracturation hydraulique, il convient de souligner que les risques environnementaux liés à la composition chimique de l'eau de reflux et le risque de sismicité induite sont complètement différents. En effet, même si les risques associés à la sismicité induite sont faibles dans le cas de la fracturation hydraulique, les risques environnementaux liés à de telles opérations doivent être évalués sur le site dès la phase de faisabilité de tels projets.

 

 

BIBLIOGRAPHIE

Birkholzer, J. T., Zhou, Q., & Tsang, C. F. (2009). Large-scale impact of CO₂ storage in deep saline aquifers: A sensitivity study on pressure response in stratified systems. International Journal of Greenhouse Gas Control, 3(2), 181-194.

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Middleton, R. S., Carey, J. W., Currier, R. P., Hyman, J. D., Kang, Q., Karra, S., Jimenez-Martinez, J., Porter, M. L., & Viswanathan, H. S. (2015). Shale gas and non-aqueous fracturing fluids: Opportunities and challenges for supercritical CO₂. Applied Energy, 147, 500-509.

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Rinaldi, A. P., Jeanne, P., Rutqvist, J., Cappa, F., & Guglielmi, Y. (2014). Effects of fault‐zone architecture on earthquake magnitude and gas leakage related to CO₂ injection in a multi‐layered sedimentary system. Greenhouse Gases: Science and Technology, 4(1), 99-120.

Ringrose, P., Atbi, M., Mason, D., Espinassous, M., Myhrer, Ø., Iding, M., Mathieson, A., & Wright, I. (2009). Plume development around well KB-502 at the In Salah CO₂ storage site. First Break, 27(1).

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Wanner, C., Eichinger, F., Jahrfeld, T., & Diamond, L. W. (2017). Causes of abundant calcite scaling in geothermal wells in the Bavarian Molasse Basin, Southern Germany. Geothermics, 70, 324-338.

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Zoback, M. D., & Gorelick, S. M. (2012b). Reply to Juanes et al.: Evidence that earthquake triggering could render long-term carbon storage unsuccessful in many regions. Proceedings of the National Academy of Sciences, 109(52), E3624-E3624.

Zoback, M. D., & Gorelick, S. M. (2015). To prevent earthquake triggering, pressure changes due to CO₂ injection need to be limited. Proceedings of the National Academy of Sciences, 112(33), E4510-E4510.